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La Mode

La question d'Orient

"La Russie défend la Turquie, mais elle l'étrangle" Lithographie de Traviès du 14 juillet 1833

Les planches de Benjamin sur la « Question d’Orient » dans La Mode de 1839

Au 2eme semestre 1839, la revue La Mode a publié une série de planches d’actualité politique sur la Question d’Orient. Parmi elles, neuf sont de Benjamin.
On notera que ces planches, sur cette question de politique extérieure, ont pu, sauf une, franchir le cap de la censure, toujours en vigueur, dans la mesure où elles ne mettent en scène que des personnages représentant les puissances étrangères intervenant dans la Question d’Orient ; ni Louis Philippe, ni ses ministres n’y sont représentés.

Le contexte historique

L’Egypte est toujours au 19e siècle sous la dépendance de l’Empire ottoman, mais Méhémet Ali (1764-1849), vice-roi d’Egypte, et ex-officier ottoman, s’est affranchi de la domination turque.
En 1827, Méhémet Ali a soutenu l’Empire ottoman dans la guerre d’indépendance de la Grèce. En échange, la Syrie lui a été promise par son allié, mais cette promesse n’a pas été tenue. C’est l’origine de la première guerre entre l’Egypte et l’Empire ottoman. En juin 1832, l’armée égyptienne conduite par Ibrahim Pacha, fils de Méhémet Ali, attaque l’Empire ottoman gouverné par le sultan Mahmoud II, conquiert la Syrie, et menace Constantinople.
Pour se protéger, l’Empire ottoman s’allie alors avec la Russie, en 1833, et sous la pression diplomatique des puissances européennes, l’Egypte doit arrêter son offensive. Elle reçoit, par la convention de Kütahya (mai 1833), les provinces syriennes d’Alep et de Damas.
Ci-contre, la lithographie de Traviès du  14 juillet 1833 : « La Russie défend la Turquie mais elle l’étrangle ».

En avril 1839, l’Empire ottoman voulant reprendre les provinces syriennes, engage une deuxième guerre avec l’Egypte, mais subit une lourde défaite à la bataille de Nézib, le 24 juin 1839, et se trouve au bord de l’effondrement.
Sur ces entrefaites, le 1er juillet 1839, le Sultan Mahmoud meurt et laisse comme successeur son jeune fils Abdülmecid 1er, âgé de 16 ans.
Les puissances européennes (Royaume Uni, Autriche, Russie et Prusse) interviennent alors pour sauver « la Sublime porte » et obligent l’Egypte à conclure une paix désavantageuse pour elle puisqu’elle perd les provinces syriennes. Seule concession, Méhémet Ali et ses descendants deviennent dirigeants légitimes de l’Egypte.
La Question d’Orient passionna l’opinion publique française de l’époque et agita les débats parlementaires. Elle fut sujet d’opposition ente les républicains favorables à l’Egypte et à un affaiblissement de l’Empire ottoman, face aux légitimistes alignés sur la position conservatrice du roi Louis-Philippe, soucieux de ménager l’Angleterre et l’ordre international.
Cela explique la place donnée à cette crise dans la presse et particulièrement dans la revue La Mode.

Dans la série des neuf planches dessinées par Benjamin, pour cette revue,  quatre résument bien le déroulement du conflit,
On y retrouve les mêmes intervenants caricaturés comme le montre le rapprochement d’images ci-dessous.

Un caricaturiste politique sous Louis-Philippe

Les belligérants

Portrait Méhémet Ali par Auguste Couder
Méhémet Ali par Benjamin Roubaud
Portrait d'Ibrahim pacha
Ibrahim pacha par Benjamin Roubaud
Portrait de Mahmoud II par H. G. Schelsinger
Mahmoud II par Benjamin Roubaud
Portrait d'Abdülmecid I
Abdülmecid I par Benjamin Roubaud

Méhémet Ali

176. - 2 août 1849
Vice-roi d'Egypte
de 1804 à 1849

Ibrahim pacha

1789 - 10 nov. 1848
fils de Méhémet Ali
généralissime

Mahmoud II

20 juil. 1784 - 1 juil. 1839
Sultan de l'empire Ottoman du 28 juillet 1808 au 1 juillet 1839

Abdülmecid I

25 avr. 1823 - 25 juin 1861
sultan de l'Empire ottoman (fils) du 1 juillet 1839 au 25 juin 1861

par Auguste Couder 1840 (wikipédia)

gravure romantique (wikipédia)

par H. G. Schelsinger (wikipédia)

auteur inconnu (wikipédia)

La Mode 31 oct. 1839 (par Pruche)

La Mode 1 juin 1839 (par Benjamin)

La Mode 1 juin 1839 (par Benjamin)

Musée pour rire 1840 (par Benjamin)

par Hayter (wikipédia)

auteur inconnu (wikipédia)

Portrait de Nicolas I par Franz Krüger
Allégorie de Frédéric Guillaume III par Benjamin Roubaud

Frédéric Guillaume III

3 août 1770 - 7 juin 1840
Roi de Prusse du 16 nov. 1897 au 7 juin 1840

Allégorie de Victoria par Benjamin Roubaud

La Mode 27 juil. 1839 (par Benjamin)

Allégorie de Nicolas I par Benjamin Roubaud

La Mode 27 juil. 1839 (par Benjamin)

Ferdinand I

19 avr. 1793 - 29 juin 1875
Empereur d'Autriche du 2 mars 1835 au 2 déc. 1848

Nicolas I

6 juil. 1796 - 2 mars 1855
Empereur de Russie du 1 déc. 1825 au 2 mars 1855

Les puissances européennes

par Franz Krüger (wikipédia)

Allégorie de Ferdinand I par Benjamin Roubaud
Portrait de Ferdinand I
Portrait de Frédéric Guillaume III par Franz Krüger

Victoria

24 mai 1819 - 22 janv. 1901
Reine d'Angleterre du 20 juin 1837 au 22 janv. 1901

La Mode 27 juil. 1839 (par Benjamin)

par Franz Krüger (wikipédia)

La Mode 1 juin 1839 (par Benjamin)

Portrait de Victoria par Hayter

Attitude des puissances sur la Question d’Orient
La Mode du 1er juin 1839 - Paris-Musées, Musée Carnavalet

"Attitude des puissances sur la Question d'Orient" par Benjamin Roubaud dans La Mode

Nous voyons le début des hostilités entre le sultan turc Mahmoud II, à droite, poussé par son allié le tsar Nicolas I, avec, face à lui, le féroce Ibrahim Pacha, fils du vice-roi d’Egypte Méhémet Ali. En arrière-plan, on devine les silhouettes de personnages représentant les puissances européennes parties prenantes au conflit : Angleterre, Autriche, Prusse et Russie.

Le sultan turc Mahmoud II vient de mourir brutalement à 54 ans, le 1er juillet.  L’allégorie de la mort saisit Mahmoud au collet, le tsar recule avec effroi tandis qu’Ibrahim Pacha affiche un franc sourire.

Intervention inopinée d’une grande puissance
La Mode du 20 juillet 1839

Les puissances européennes ayant pris une nouvelle attitude, la Porte ne sera pas enfoncée
La Mode du 27 juillet 1839 - Paris-Musées, Musée Carnavalet

"Les puissances européennes ayant pris une nouvelle attitude, la Porte ne sera pas enfoncée" par Benjamin Roubaud dans La Mode

Le 24 juin 1839, l’Empire ottoman a subi une sévère défaite à Nézib et est menacé dans son existence ce qui amène les puissances européennes à soutenir les turcs et à s’opposer à l’Egypte. Sur le dessin, les puissances européennes retiennent Ibrahim Pacha qui a terrassé Mahmoud II. Le Tsar Nicolas I protège la Sublime porte qui  ne sera donc pas enfoncée !

Ibrahim pacha a terrassé le petit sultan Abdülmecid 1er. Et il lui met un pied sur la gorge. Abdülmecid s’écrit : je te pardonne, embrassons-nous et que ça finisse.
En arrière-plan, la Prusse, l’Autriche et l’Angleterre empêchent la Russie de voler au secours de son allié.
Le dessin fait allusion à la victoire des égyptiens confisquée par les puissances européennes. Alors que le conflit n’est pas officiellement réglé cette planche en préfigure l’exacte conclusion. Celle-ci n’interviendra que le 21 juillet 1840 par la Convention de Londres : Méhémet Ali perd tous les territoires syriens et ne reçoit que l’hérédité sur l’Egypte.
Relayant Benjamin, Clément Pruche résuma  à son tour, la fin du conflit, avec humour, dans une planche finement dessinée, parue dans La Mode du 31 octobre 1840

Le petit sultan daigne pardonner au féroce Ibrahim qui lui met un pied sur la gorge
Le Musée pour rire 1839 - collection privée

Cette planche aurait dû initialement paraître dans La Mode du 17 août 1839. Mais, elle fut censurée car mettant en scène le maréchal Soult comme représentant de la France. Elle ne parut que plus tard, en 1840, sans doute expurgée, dans l’ouvrage « Le Musée pour rire », avec comme sous-titre « Charges diplomatiques ». Enfin, elle parut également dans le Miroir caricatural.

« Mais dites donc papa ?  il me semble que si vous cédez tout, il ne me restera pas grand-chose ! Sois tranquille Ibrahim, je ne lâcherai plus qu’un pouce ! …..S’ils ne sont pas contents, je me rebiffe !! ………bonjour l’équilibre européen !!! »

Sur le sol, les documents mentionnent les abandons faits par Méhémet Ali , et ce dernier, tient dans ses mains, un dernier intitulé « hérédité de  la Syrie et … » que les puissances alliées s’efforcent de lui arracher, tandis que le petit Sultan Abdülmécid 1er git sur le sol !

Charges diplomatiques - Musée pour rire
"Intervention inopinée d'une grande puissance" par Benjamin Roubaud dans La Mode

Gallica-BnF

Gallica-BnF

Sous le portrait Victoria, figure l’effigie de Lord Palmerston, son ministre des affaires étrangères.