Postérité
Benjamin Roubaud à la maison de Balzac
L'inventeur des grosses têtes
Contemporain de Daumier et de Grandville, Benjamin Roubaud jadis aussi célèbre que ses deux confrères est maintenant oublié. Même si certaines de ses caricatures - Balzac ou Victor Hugo - sont toujours reproduites.
Balzac, hilare, drapé dans sa bure; Victor Hugo, au front immense, accoudé aux tours de Notre-Dame; Alexandre Dumas en portefaix de son œuvre, enjambant les montagnes. Ces caricatures, cent fois reproduites dans nos manuels d'histoire littéraire, on les doit à Benjamin Roubaud, caricaturiste aussi célèbre sous la monarchie de juillet que ses contemporains Daumier ou Grandville. Il collabora aux même journaux, la Caricature ou le Charivari. Pour ce dernier, il créa son "Panthéon charivarique", où figurent la trogne d'une bonne centaine des plus illustres personnalités des arts et lettres de son temps. Ils sont exposés à la maison de Balzac.
Roubaud est, dit-on, le premier à avoir utilisé le procédé des « grosses têtes », qui consiste à accorder une place exagérée au chef du personnage.
Un oublié
Le caricaturiste Benjamin
A. Grass-Mick
Benjamin Roubaud (qui signe Benjamin), lui, n'atteint guère au comique; le dessin juste l'attire davantage; il crayonne avec soin, avec charme; le souci de l'exactitude lui donne le goût du portrait-charge, qu'il réussit et qu'il crée. Son Grand chemin de la postérité, qui renferme les exactes physionomies de toutes les gloires du théâtre à cette époque, les Rachel, les Ligier, les Bocage, les Frédérick Lemaître, etc., est une œuvre très intéressante.
Avec Bertall, nous tombons dans le dessin fantaisiste, préoccupé très particulièrement de la légénde. C'est le même système que Cham, le coté sec, anguleux, des personnages, esquissant une pareille grimace.
On se souvient de ce Chemin de la postérité qui a attroupé si longtemps la foule aux carreaux de Martinet et d'Aubert : une espèce de panathénée grotesque ou de pélerinage de Cantorbery drôlatique réunissait en longue longue procession les auteurs et les acteurs de l'époque; c'était Benjamin Roubaud, un des caricaturistes habituels du Charivari, qui avait crayonné cette suite de charges, réunies par le lien d'une idée commune. Pauvre Benjamin ! nous l'avons vu dans l'expédition de Kabylle saisi du premier frisson de cette fièvre qui, deux ans plus tard, devait l'emporter au tombeau; il tremblait de froid au mois d'août, sous ce brûlant soleil d'Afrique, et quand l'accès était passé, il croquait quelque physionomie étrange, quelque groupe caractéristique pour illustrer le voyage dont nous écrivions le texte.
- Benjamin Roubaud, le spirituel collaborateur du Charivari, vient de mourir à Alger à l'âge de 34 ans. Tout ceux qui lisent la feuille parisienne et qui arrêtent complaisamment leur regards sur la caricature qui est jointe à chacun de ses numéros, se souviennent, sans doute, de ces charges plaisantes relatives aux troupiers d'Afrique. Le crayon du jeune dessinateur déversait dans les scènes de la vie militaire qu'il dépeignait une fine originalité qui n'échappait à personne, et le genre que Benjamin Roubaud avait adopté et qu'il traitait avec bonheur lui avait valu de véritables succès. Ces succès se seraient encore étendus à mesure que le travail aurait perfectionné son talent; l'avenir lui réservait, sans doute, une réputation sûre et durable. La mort est venue arrêter ce jeune artiste dans sa carrière et briser toutes les espérances que ses amis avaient conçues de lui. Cette perte doit nous être d'autant plus sensible que Benjamin Roubaud était presque notre compatriote; il était né, en effet, à Roquevaire, et plusieurs de nos concitoyens ont pu connaître dans cette ville un jeune homme qui portait ce même nom et qui était le frère du malheureux artiste moissoné à la fleur de l'âge.