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Benjamin Roubaud vu par :

Postérité

Peintre, lithographe et caricaturiste, Benjamin Roubaud (1811-1847) collabore au Charivari de 1830 à 1835. Dessinateur fin et précis, à la  limite du précieux  - Arsène Houssaye parle à son propos de charges consciencieuses – Roubaud est celui qui va fixer les traits du premier Hugo, du Hugo romantique. Son Panthéon charivarique sera imité, notamment par Nadar et par Gill.

2 - Le journal le Monde du 27 août 1988 – L’inventeur des grosses têtes (extrait).

Article de presse sur Benjamin Roubaud, publié dans le journal Le Monde du 27 août 1988 - L'inventeur des grosses têtes (extrait)

Benjamin Roubaud à la maison de Balzac
L'inventeur des grosses têtes

Contemporain de Daumier et de Grandville, Benjamin Roubaud jadis aussi célèbre que ses deux confrères est maintenant oublié. Même si certaines de ses caricatures - Balzac ou Victor Hugo - sont toujours reproduites.

Balzac, hilare, drapé dans sa bure; Victor Hugo, au front immense, accoudé aux tours de Notre-Dame; Alexandre Dumas en portefaix de son œuvre, enjambant les montagnes. Ces caricatures, cent fois reproduites dans nos manuels d'histoire littéraire, on les doit à Benjamin Roubaud, caricaturiste aussi célèbre sous la monarchie de juillet que ses contemporains Daumier ou Grandville. Il collabora aux même journaux, la Caricature ou le Charivari. Pour ce dernier, il créa son "Panthéon charivarique", où figurent la trogne d'une bonne centaine des plus illustres personnalités des arts et lettres de son temps. Ils sont exposés à la maison de Balzac.
Roubaud est, dit-on, le premier à avoir utilisé le procédé des « grosses têtes », qui consiste à accorder une place exagérée au chef du personnage.

3 - Le peintre Grass-Mick en 1927 et 1930

Article sur Benjamin Roubaud et écrit par Grass-Mick, publié dans la revue Comœdia du 9 août 1927

Peu avant 1930, le peintre montmartrois Augustin Grass-Mick, alors retiré dans le midi, redécouvrit Benjamin Roubaud (sans doute à l’occasion de ses études sur Daumier) et écrivit plusieurs articles dans la revue Comoedia et des journaux et revues locales pour faire connaître cet artiste qu’il considérait comme injustement oublié.

Ci-dessous, l’article Un Oublié. Le caricaturiste Benjamin, publié dans la revue Comœdia du 9  août 1927, signé Grass-Mick. Rétronews – BnF

Un oublié

Le caricaturiste Benjamin

Encore un artiste provençal bien oublié, c'est le caricaturiste Benjamin Roubaud, né à Roquevaire (près de Marseille), en 1811.
Cet artiste eut pourtant son heure de célébrité, il fit partie de la fameuse troupe du Charivari, dont le chef était Charles Philipon, son créateur.
C'est pour le sortir de l'oubli que je vais dire un mot de ce méconnu de la Provence - et de Paris, probablement.
Benjamin Roubaud avait un très grand talent de portraitiste, dont le fameux Nadar fut le digne continuateur, avec son
Panthéon des célébrités parisiennes. On sait que Daumier fut l'inventeur du portrait charge en sculpture. Mais ce que l'on ne sait guère, c'est que le créateur du portrait charge dessiné, pour les journaux illustrés, fut Benjamin Roubaud. Il signait tout simplement Benjamin et dans la collection du Charivari, à partir de l'époque de 1835, on peut se rendre compte que la série de ses portraits, présentés sous le titre "Panthéon charivarique", est de tout premier ordre. Benjamin arriva d'un seul coup à porter ce genre de portraits à sa plus grande perfection. Ce sont  des têtes d'hommes de lettres, d'artistes, savants sur de tout petits corps admirables d'expression. Il fit Gavarni, Charles Philipon, Victor Hugo, Debureau, Rachel, Frédérick Lemaître, Mélingue; il fit le fameux Daumier en chapeau haut de forme, avec sa pipe, quand il avait 39 ans (dont une reproduction a paru dans Comœdia); il en fit bien d'autres, mais ces pièces originales de cette époque demeurent aussi rares que les Daumier.

Voilà donc cet oublié qui fréquenta tant de gloires, celui qui fut le premier de la lignée des Nadar, des Carjat, des Cham, Grévin, André Gill, Gilbert Martin, Dantan, Moloch, Léandre, Tiret-Bognet... et tous les spécialistes du portrait charge.
Benjamin est mort à l'âge de 36 ans, en 1847. C'était un homme de taille moyenne, très chevelu, portant la barbe à la Musset; il avait un énorme front avançant, des yeux vifs et pleins de malice. On se demande pourquoi ce créateur a pu être si totalement oublié. Il y a là une réparation à faire, surtout dans son pays natal, car l'art de Benjamin représente le départ de toute une pléiade du
Charivari, de l'histoire de la caricature et de ceux qui continuent à faire comprendre que le portrait charge est plus artistique et plus ressemblant que la plus belle des photos, qui fige toujours son modèle à l'heure, à la minute de sa pose.
Benjamin fut le premier à exprimer pour les journaux des caractères pouvant faire naître un jugement, bon ou mauvais, sur ses modèles, mais aussi son dessin savant était digne des plus beaux portraits de maîtres. N'oublions donc pas cet artiste, qui fut le camarade de Daumier.

A. Grass-Mick

Et la fin de l’article paru dans le Petit marseillais, du 21 avril 1930, qui vise plus particulièrement la cinquantaine de portraits de la Galerie de la presse de la littérature et des beaux-arts, dessinés par Benjamin :

« On remarquera que son dessin est savant et qu’il est digne des plus beaux portraits de maîtres. … D’ailleurs Benjamin ne fit pas que des charges ! Il dessina des portraits d’une exquise délicatesse qui valent les plus beaux dessins  miniatures de Ingres . Il faut les voir et les regarder longtemps pour comprendre la finesse du crayon lithographique et la force talentueuse de Benjamin. Et je vous assure qu’après avoir vu les spécimens de son art, les paroles seront inutiles, pas de discours si ce n'est qu’en une phrase qui exprimera le regret qu’un artiste de cette  valeur soit mort si jeune ».

4 - Emile Bayard dans La caricature et les caricaturistes Paris Delagrave 1901. Gallica-BnF

Extrait d'un passage sur Benjamin Roubaud, publié dans "La caricatur et les caricaturistes - Paris Delagrave 1901"
Extrait d'un passage sur Benjamin Roubaud, publié dans "La caricatur et les caricaturistes - Paris Delagrave 1901"

Benjamin Roubaud (qui signe Benjamin), lui, n'atteint guère au comique; le dessin juste l'attire davantage; il crayonne avec soin, avec charme; le souci de l'exactitude lui donne le goût du portrait-charge, qu'il réussit et qu'il crée. Son Grand chemin de la postérité, qui renferme les exactes physionomies de toutes les gloires du théâtre à cette époque, les Rachel, les Ligier, les Bocage, les Frédérick Lemaître, etc., est une œuvre très intéressante.
Avec Bertall, nous tombons dans le dessin fantaisiste, préoccupé très particulièrement de la légénde. C'est le même système que Cham, le coté sec, anguleux, des personnages, esquissant une pareille grimace.

5 - Théophile Gautier dans le journal La Presse du 7 juin 1853. Rétronews – BnF

Théophile Gautier connaissait Benjamin qui réalisa son portrait-charge en 1839. En 1845, Théophile Gautier voyagea en Algérie avec Benjamin qui était chargé d’illustrer le récit de son voyage. Il a laissé ce témoignage plusieurs années après la disparition de Benjamin.

Témoignage de Théophile Gautier sur Benjamin Roubaud, publié dans le journal La Presse du 7 juin 1853

On se souvient de ce Chemin de la postérité qui a attroupé si longtemps la foule aux carreaux de Martinet et d'Aubert : une espèce de panathénée grotesque ou de pélerinage de Cantorbery drôlatique réunissait en longue longue procession les auteurs et les acteurs de l'époque; c'était Benjamin Roubaud, un des caricaturistes habituels du Charivari, qui avait crayonné cette suite de charges, réunies par le lien d'une idée commune. Pauvre Benjamin ! nous l'avons vu dans l'expédition de Kabylle saisi du premier frisson de cette fièvre qui, deux ans plus tard, devait l'emporter au tombeau; il tremblait de froid au mois d'août, sous ce brûlant soleil d'Afrique, et quand l'accès était passé, il croquait quelque physionomie étrange, quelque groupe caractéristique pour illustrer le voyage dont nous écrivions le texte.

6 - Le Mémorial d’Aix en Provence du 24 janvier 1847. Rétronews-BnF

Journal local bi-hebdomadaire, Le Mémorial d’Aix évoque la carrière de Benjamin, peu après sa mort le 13 janvier 1847.

- Benjamin Roubaud, le spirituel collaborateur du Charivari, vient de mourir à Alger à l'âge de 34 ans. Tout ceux qui lisent la feuille parisienne et qui arrêtent complaisamment leur regards sur la caricature qui est jointe à chacun de ses numéros, se souviennent, sans doute, de ces charges plaisantes relatives aux troupiers d'Afrique. Le crayon du jeune dessinateur déversait dans les scènes de la vie militaire qu'il dépeignait une fine originalité qui n'échappait à personne, et le genre que Benjamin Roubaud avait adopté et qu'il traitait avec bonheur lui avait valu de véritables succès. Ces succès se seraient encore étendus à mesure que le travail aurait perfectionné son talent; l'avenir lui réservait, sans doute, une réputation sûre et durable. La mort est venue arrêter ce jeune artiste dans sa carrière et briser toutes les espérances que ses amis avaient conçues de lui. Cette perte doit nous être d'autant plus sensible que Benjamin Roubaud était presque notre compatriote; il était né, en effet, à Roquevaire, et plusieurs de nos concitoyens ont pu connaître dans cette ville un jeune homme qui portait ce même nom et qui était le frère du malheureux artiste moissoné à la fleur de l'âge.

Benjamin Roubaud évoqué, peu après sa mort, dans le journal bi-hebdomadaire Le Mémorial d'Aix-en-Provence du 24 janvier 1847

1 - Le catalogue de l’exposition « Hugo à la une », extrait. Septembre 2018- janvier 2019.