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Les Arabes à Paris

Un témoin amusé de la vie sociale et des mœurs

A la demande du Duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe, huit chefs arabes de tribus ralliées à la France, dans la province de Constantine,  furent invités en France, pour visiter Paris, de mi-novembre 1844, à fin janvier 1845.

Ils y vinrent accompagnés par le Maréchal Bugeaud et l’interprète principal de l’Armée, Léon Roches.

À Paris, les chefs arabes furent l’objet de toutes les attentions et de la curiosité publique, et leurs diverses visites dans la capitale furent largement commentées par la presse, de manière élogieuse, car placés dans des situations, pour eux, inattendues et déroutantes, ils se comportèrent avec aplomb et dignité.

Le journal Le Charivari ne manqua pas de commenter la visite de ces hôtes orientaux et annonça dans son numéro du 19 décembre 1844, une mémorable série de lithographies, confiée à Benjamin, pour illustrer leurs impressions de voyage.

Cette série de 6 planches parue, dans Le Charivari, de janvier à février 1845 fut l’occasion pour Benjamin de mettre en exergue certains travers de l’époque.

Planche 1 - A l’aspect de Paris, revêtu d’un immense burnous blanc
Le Charivari du 10 janvier 1845. Gallica-BnF

Les arabes à Paris - Planche 1 - A l'aspect de Paris, revêtu d'un immense burnous blanc - Benjamin Roubaud

Légende :

« A l’aspect de Paris, revêtu d’un immense burnous blanc, nos voyageurs restent saisis …..et ils ne parviennent même pas à se réchauffer un peu par la chaleur de leur enthousiasme… mais n’importe ! en étrangers aussi polis que blagueurs, ils se déclarent très satisfaits d’être enfin arrivés dans ce beau pays de France ! »

Des critiques furent formulées dans les journaux contre l’idée d’avoir amené les Chefs arabes à Paris en plein hiver. Deux d’entre eux prirent d’ailleurs froid et leur hôtel particulier fut alors chauffé intensément jour et nuit.

Planche 2 - Tenez frères…regardez là-bas, voilà qui nous rappelle notre chère patrie
Le Charivari du 11 janvier 1845. Gallica-BnF

Les arabes à Paris - Planche 2 - Tenez frères... regardez là-bas, voilà qui nous rappelle notre chère patrie - Benjamin Roubaud

Légende :

« Tenez frères… regardez là-bas, voilà qui nous rappelle notre chère patrie… il paraît que chaque soir il se fait ainsi dans les rues de Paris des razzias par des Bédouins de la tribu des Beni-Escarpes !…. »

A l’époque les rues de Paris n’étaient pas sûres la nuit et il s’y faisait certaines « razzias » au détriment de bourgeois noctambules.

Planche 3 - En France, voilà ce qu’on est convenu d’appeler des Lions
Le Charivari du 14 janvier 1845. Gallica-BnF

Les arabes à Paris - Planche 3 - En France, voilà ce qu'on est convenu d'appeler des Lions - Benjamin Roubaud

Légende :

« - En France, voilà ce qu’on est convenu d’appeler des Lions
- Un de chez nous en mangerait six comme ça rien qu’à son déjeuner »

Sur cette planche, les Chefs arabes apparaissent accompagnés de leur interprète Léon Roches en tenue traditionnelle de zouave (chéchia sur la tête, pantalon ample avec large ceinture et pélerine courte). Les « lions » étaient des jeunes dandies parisiens, le jeu de mots faisant allusion aux vrais lions, encore présents à l’époque en Algérie.

Planche 4 - Venus en France pour tout voir et même pour tout entendre
Le Charivari du 18 janvier 1845.  Paris-Musées, Musée Carnavalet

Les arabes à Paris - Planche 4 - Venus en France pour tout voir et même pour tout entendre - Benjamin Roubaud

Légende :

« Venus en France pour tout voir et même pour tout entendre, les chefs arabes étaient trop courageux pour reculer devant l’annonce d’un grand concert. Ils se rendirent donc à un festival Bédouino-musical. Presque tous les morceaux parurent vivement les impressionner et ils promirent d’en conserver éternellement le souvenir ! »

Cette planche nous montre les chefs arabes assistant au grand concert de Berlioz du 19 janvier 1845, au Cirque-Olympique des Champs-Élysées. On devine, sur le dessin, l’architecture métallique de ce vaste bâtiment, avec au fond, l’esquisse des arcades supportant la coupole et en premier plan une fine colonne en métal et un banc de bois.

Cinq des huit chefs arabes sont représentés dans leurs tenues traditionnelles, assis sur un banc, face à un grand orchestre en effervescence, dirigé manifestement par Berlioz. Ce dernier est montré de dos, en silhouette, mais reconnaissable à son ample chevelure. Sur la droite du dessin, deux des chefs arabes paraissent abasourdis par « le bruit musical », celui du centre se bouche les oreilles en criant d’effroi, son voisin hurle de douleur et tout à gauche, le dernier se lève pour s’enfuir.

Planche 5 - Il ne sait à laquelle entendre, l’Orient est désorienté
Le Charivari du 25 janvier 1845. Paris-Musées, Musée Carnavalet

Les arabes à Paris - Planche 5 - Il ne sait à laquelle entendre, l'Orient est désorienté - Benjamin Roubaud

Légende :

« Il ne sait à laquelle entendre, l’Orient est désorienté »

Selon la presse de l’époque, les Chefs arabes eurent un grand succès de popularité, notamment auprès des dames. Ils n’y étaient pas insensibles et l’un d’eux déclara à l’interprète Léon Roches, lors du grand bal des Tuileries : « vous n’aviez pas besoin d’embarquer tant de soldats pour nous soumettre, il vous aurait suffi d’envoyer la moitié de ces dames pour faire la conquête de notre pays ».

Planche 6 - Dernière expression de la civilisation française
Le Charivari du 1er février 1845. Gallica-BnF

Les arabes à Paris - Planche 6 - Dernière expression de la civilisation française - Benjamin Roubaud

Légende :

« Dernière expression de la civilisation française »

Cette planche nous montre les Chefs arabes invités au bal masqué de l’Opéra, du 21 décembre 1844.  A l’époque du carnaval, les bals masqués étaient très prisés à Paris, dans tous les milieux. Le dessin des personnages masqués, en premier plan, n’est pas sans rappeler la manière de Gavarni dans sa série de lithographies sur le Carnaval à Paris.

Portrait Léon Roches - dans l'Illustration du 4 janvier 1845

Léon Roches (1809-1900)
Interprète et diplomate.
L’illustration du 4 janvier 1845. Collection privée