Alors qu’il suivait l’armée de la conquête, Benjamin a peint, sans doute sous forme d’aquarelles, cette série de 17 planches qui, lithographiée, fut publiée dans Le Charivari, du 27 juin 1844, au 18 avril 1845, avant de paraître sous forme d’album, chez Aubert, soit en noir et blanc soit en couleur.
Finement dessinée, riche en détails sur les costumes militaires ou indigènes, elle met en scène les troupiers dans des situations cocasses, pas toujours glorieuses, en temps de guerre ou de paix, ainsi que les colons nouvellement établis en Algérie. Elle évoque aussi les dures conditions auxquelles les soldats se trouvaient confrontés.
Outre sa connaissance du pays, Benjamin y fait montre d’imagination et d’un humour laissant entrevoir une vision parfois critique des situations représentées.
Légende :
« — Dis-donc Chauvin…c’est cocasse les hasards de la guerre, nous étions hier dans l’infanterie et nous v’là aujourd’hui dans la cavalerie…. çà ne fait rien, c’est tout d’ même flatteur de revenir comme çà à cheval sur le produit de ses conquêtes… et v’la des bourriquets dont nous tirerions un crâne parti s’il(s) pouvaient nous conduire seulement à Montmartre ! … »
Les razzias étaient réalisées par l’armée pour priver les tribus arabes de leurs ressources, faciliter leur soumission, tout en s’approvisionnant à bon compte.
Planche 10 - Le retour d’une razzia
Collection privée
Collection privée
Planche 16 - La leçon de danse
Légende :
« Allons Aïcha….d’ la grâce, si c’est possible ….. imitez bien mes gestes…. j’ vous enseigne le cancan… qu’est le pas national français ! »
Dans cette scène pittoresque et colorée, notre troupier, balourd, s’érige en professeur et fait fi de l’art et la virtuosité déployés par les danseuses mauresques.
Planche 3 - Soldats d’infanterie légère à la poursuite d’Abd el-Kader
« – De quoi te plains-tu Parisien ? on t’a muni de tout ce qui peut embellir l’existence… pain viande bidon, casserole et même fagot….. t’as tout sous la main, ou si t’aimes mieux sur le dos… enfin tu portes là cinquante kilogrammes de petites douceurs… – C’est vrai caporal….eh ben il y a des momens ….. comme qui dirait douze heures par jour …où j’échangerais volontiers tout ça contre un parasol et un éventail ! ».
Cette légende insiste sur les dures conditions des troupiers lourdement chargés de leurs sacs et d’objets encombrants, souffrant du soleil brûlant et de la chaleur, sans omettre les maladies endémiques dont beaucoup étaient atteints.
Régulièrement poursuivi, Abd el-Kader était un cavalier remarquable et insaisissable qui ne fut jamais rattrapé. Il ne se rendit, de lui-même, qu’en 1847.
Planche 4 - Un commencement de civilisation
Collection privée
Légende :
« Vois-tu Mustapha…, comme l’a dit un ancien militaire qu’était passé philosophe … ce qui distingue l’homme des autres animaux, c’est qu’il boit du vin….du moment où tu abdiques les conseils de ce canard de Mahomet, et où tu me payes bouteille , je te regarde aussi comme un homme …et t’as mon estime ! … ».
J’te présente mossieu qui est Colon…..c’est-à-dire qui est venu s’établir en Afrique pour y planter des queues de billard et pour récolter les boudjous des amateurs de Cognac….Allons versez nous deux p’tits verres, faut encourager l’agriculture !......
N.B., Les boudjous étaient la monnaie locale de la Régence d’Alger.
On retrouve dans cette planche une critique à l’encontre des colons venus seulement en Algérie pour y réaliser des profits.